• Lettre d’un soldat (extrait)
« Ici, ceux de la Légion qui refusent d’aller en Russie avec l’armée des aventuriers Dénikine et Koltchak, sont jetés au cachot, en forteresse et en prison, mais beaucoup vont aux travaux forcés et beaucoup meurent de maladies et de faim. Voilà ce que je subis chez les bourgeois ».
Service Historique de la Défense, contrôle militaire postal, mai 1919.
• Quand le général Lokhvitsky engageait les soldats de l’ancien corps expéditionnaire russe en France à combattre la Révolution bolchevique
« L’anarchie a duré trop longtemps. Bientôt, si la terreur et le désordre continuent à régner en maîtres, la Russie ne sera qu’un vaste cimetière, un amoncellement de ruines au plus grand détriment de la civilisation et de l’humanité, et un hinterland pour l’Allemagne. Il est temps que l’ordre et la paix intérieure soient rétablis en Russie. Tout ce que les patriotes russes ont tenté dans l’intérieur du pays a échoué par le manque d’un point d’appui. Ce point d’appui ne peut être donné que par l’intervention de tous les Alliés. Cette intervention, ayant forme d’une mission qui disposerait d’une force armée suffisante, doit être composée de représentants de tous les peuples alliés et de Russie. La participation des Russes est une condition essentielle du succès. Les éléments sains de la Russie qui attendent l’heure de la délivrance de l’anarchie ne peuvent faire parvenir ici leurs voix. Ce devoir incombe aux Russes représentants de la Russie saine qui sont hors de leur patrie. Comme unique dépositaire d’un pouvoir reconnu et comme chef de la dernière armée russe, libre de tout lien de parti, et fier de la confiance dont m’honorent mes patriotes, je me charge d’organiser la partie russe de la Mission Interalliée. Tous les patriotes russes n’aspirent qu’au rétablissement de l’ordre. Pour le moment malheureusement, c’est l’armée ennemie qui rétablit l’ordre en Russie en envahissant le pays. Il faut montrer que l’ordre peut être rétabli encore mieux par les Alliés, qui viendront en amis pour continuer la lutte contre l’ennemi commun.
Dès le débarquement en Russie de la Mission, il faudra commencer à organiser un gouvernement russe, patriote, ententophile, et une armée nationale. Tous les jours, l’ennemi pénètre davantage dans l’intérieur du pays, par conséquent il n’y a pas un moment à perdre, il faut agir ».
Service Historique de la Défense, 7N613, ordre du 25 mai 1918.
- Les Russes réclament massivement leur retour en Russie bolchevique
En 1920, les bolcheviks étant sur le point de sortir vainqueurs de la guerre, le commandement français dut se résoudre à traiter avec eux et les premiers entretiens se tinrent à Copenhague en mars.
Dans ce cadre, le commandement français effectua une enquête en France et en Algérie pour connaître le territoire où les Russes encore présents sur ces territoires désiraient être rapatriés.
En Métropole « Métropole », 10839 soldats affirmèrent leur volonté de débarquer dans une zone sous contrôle bolchevik, tandis que seuls 124 optèrent pour un territoire « non-soumis aux soviets ». 2338 demandèrent à rester en France jusqu’à la fin de la guerre civile. En Algérie, sur 3733 soldats soumis à cette « enquête discrète », 3607 exigèrent d’être rapatriés en « Russie bolcheviste ».
Service Historique de la Défense, 7 N 647 ET 17 N 617.
Le soutien à la Révolution dans la correspondance des soldats russes
- Alger, février 1918
« Quelles que soient les exactions, les tortures auxquelles ils nous soumettent, ils ne nous verront pas tels qu’ils le veulent. Nous serons fermes jusqu’au bout et nous défendrons jusqu’à la mort les idées de notre libre patrie. Vive la Liberté universelle des Peuples ! Vive la paix générale et démocratique pour tous les peuples ! »
- Alger, février 1918
« Le régime de Nicolas est revenu pour nous. Mais quelle que soit notre vie, nous resterons fermes dans nos opinions. Notre sort est entre les mains de la Russie. (...) Le plus grand nombre périra mais cela ne nous épouvante nullement. Nous savons ce que nous faisons ; nous voulons de toutes nos forces faire triompher les idées qui ont prévalu dans notre chère patrie ».
- Alger, mars 1918
« La paix a été signée par la Russie. Nous sommes heureux ! Finie l’horrible boucherie commencée par Nicolas et sa suite pour pouvoir se baigner dans le sang. Maintenant il ne faut plus de guerre ! Tout le monde doit vivre en paix ! Le genre humain n’a pas besoin de s’entretuer. Plus de guerre ! »
- Septembre 1918
« Nous avons tous par la "Gazette" des nouvelles de Russie, écrit l’un d’eux, on y dit que la Russie périt, mais les soldats n’y croient pas, car ce sont les cris de gens pour lesquels ce n’est pas la Russie qui est chère, mais leurs idées et leurs droits. Voilà pourquoi ils crient que la Russie périt, et ils incitent les alliés à se mêler des affaires de la Russie. A mon point de vue, la France et l’Angleterre sont désignés comme des pays libres, mais ils ne peuvent être les libérateurs de la Russie, car les Français tiennent l’Afrique dans le servage, de même l’Angleterre est le pays des capitalistes, tandis que la Russie marche contre le Capital pour le faire disparaître complètement ».
- Juin 1919
« Si l’on nous demande pourquoi nous voulons aller chez les bolcheviks, voilà quelle doit
être notre réponse : ces conditions de vie que les bolcheviks veulent établir sont très agréables, non seulement pour nous, mais pour le monde entier. Je vous dirai encore, camarades que le bolchevisme est notre cœur, organe sans lequel aucun homme ne peut
vivre ».
- Juillet 1919
« La tempête russe a nettoyé l’atmosphère politique ; l’heure de la révolution sociale est sonnée... Au drapeau, les camarades, au drapeau rouge !!! Nous sommes avec Lénine et contre Koltchak, avec Bela Kun et avec le peuple. En avant contre le gouvernement des bourgeois et des capitalistes ! »
- Juillet 1919
« Nos "chers Alliés" pénètrent de plus en plus en Russie, ce que je ne voudrais ne pas voir. Mais peut-être avec l’aide de Dieu, les bolcheviks les chasseront bientôt. Je vais prier dans ce sens, que le bon Dieu les arme et qu’il donne courage à nos défenseurs de la patrie, Vladimir Lénine et Léon Trotsky. Vive ces derniers !! »
Extraits tirés des archives des commissions de contrôle postal du Service Historique de la Défense à Vincennes.