Annexe 6 du compte-rendu de l’AG du 25 mai 2019
Lettre d’un écolier de CM1 de l’école de La Courtine
Réponse de La Courtine 1917
J’ai été très content de recevoir ta lettre dans laquelle tu me poses des questions à propos des soldats Russes qui étaient à La Courtine pendant la première guerre mondiale, plus exactement au cours de l’été de 1917.
Tu me demandes dans ta première question pourquoi ces soldats russes sont venus faire la guerre en France. Peut-être que tu ne l’as pas encore étudié avec ton institutrice, mais il faut que tu saches que la guerre qui a débuté en août 1914 a mis face à face 70 millions de soldats de 70 pays différents. Ces soldats ont combattu dans les 2 camps qui s’opposaient : d’un côté ce qui s’appelait la Triple alliance avec l’empire Allemand, l’Empire Austro-hongrois et l’Italie et de l’autre côté la Triple Entente qui regroupait la France, le Royaume Uni et l’empire Russe. Les 2 premières années de guerre ont été terriblement meurtrières : ce sont 600 000 jeunes soldats français qui ont été tués pour les années 1914 et 1915. Le gouvernement français a fait alors appel à son allié le Tsar pour qu’il envoie des soldats russes en France aider les soldats français. Et c’est comme cela que 20 000 soldats sont arrivés de Russie en avril et août 1916 pour combattre dans l’est de la France, aux côtés de leurs alliés français et anglais contre les allemands.
Tu me demandes pourquoi ils sont venus à La Courtine et combien ils étaient… En fait, au printemps 1917, ces soldats russes qui se battaient depuis des mois en France et qui voyaient leurs camarades se faire tuer ou être blessés gravement ont appris en mars 17 que dans leur pays, en Russie, une révolution venait d’éclater, que le tsar Nicolas II avait été obligé de quitter le pouvoir, que le peuple s’était révolté pour obtenir la liberté, de quoi manger, d’en finir avec la guerre et pour que les paysans puissent disposer de terres pour en vivre. Apprenant cela, les soldats russes en France en ont eu assez de se faire tuer pour rien et ils ont demandé à rentrer dans leur pays auprès de leur famille et de participer à cette révolution. Leurs officiers se sont opposés au retour en Russie des soldats russes, ceux-ci se sont révoltés et ont dit « nous ne voulons plus servir de chair à canon, nous ne nous battrons plus ici, nous exigeons de rentrer en Russie ». Le gouvernement français a eu peur que cette révolte donne des idées aux soldats français qui étaient eux aussi très mécontents parce qu’ils n’avaient plus de permissions.
Alors il a été décidé de retirer les soldats russes du front afin qu’ils n’entrainent pas à leur tour les soldats français dans la révolte. Voilà pourquoi ces soldats russes de la 1ère Brigade ont été envoyés au camp militaire de La Courtine, loin des zones de combat.
Tu m’interroges sur ce qu’il s’est passé entre le 26 juin et le 19 septembre. Je constate que tu as une parfaite connaissance de deux dates de la mutinerie de ces 10 300 soldats russes puisque le 26 juin est le jour d’arrivée en train de ces soldats à la gare de La Courtine et que le 19 septembre, c’est la fin de la mutinerie obtenue par la force conjointe des armées françaises et de compagnies russes qui n’étaient pas mutinées. Ce sont près de 10 000 hommes qui vont assiéger les mutins et qui vont envoyer 800 obus de calibre 75 en 3 jours sur les soldats retranchés dans le camp. Le dernier jour, le 19 septembre, ce seront des combats au corps à corps avec comme tu peux l’imaginer beaucoup de victimes et les mutins vont être obligés de se rendre.
Mais pendant ces 3 mois entre le 26 juin et le 19 septembre, ces 10 300 soldats vont organiser la vie de leur campement : ils vont continuer d’exiger haut et fort d’être renvoyés en Russie, ils vont chasser leurs officiers et élire de simples soldats comme responsables de leurs comités de régiments et de compagnies et former un organe dirigeant appelé du nom russe de soviet. Ils vont aider aux travaux des foins et des moissons dans les fermes autour de La Courtine. Ils vont donner des représentations théâtrales et des concerts auxquels seront invités les habitants de la commune qui témoigneront que ces soldats russes étaient de braves gens qui avaient raison de ne plus vouloir se faire tuer et d’exiger de rentrer chez eux dans leurs familles.
Voilà en quelques mots ce que je peux te dire pour répondre à tes interrogations sur cette histoire. Mais si cela t’intéresse ainsi que tes camarades et si bien évidemment ton institutrice est d’accord, nous pouvons venir vous rencontrer avec des amis de l’association La Courtine 1917 pour poursuivre cette discussion et pourquoi pas passer un film sur l’histoire des soldats russe mutins de La Courtine.
Et donc, peut-être à bientôt.
Jean-Louis Bordier
Co-président de l’association La Courtine 1917